DemysTEAfication

28 avril 2014

Japanese homes and their surroundings

la maison japonaise et tout ce qui l'entoure

Initialement publié en 1886, cet ouvrage de Edward S. Morse n'a pas pris une ride et est toujours d'actualité pour qui veut avoir une première approche détaillée de la maison japonaise et de tout ce qui gravite autour. En fait, on est proche d'une sorte de "bible", un ouvrage de référence pour qui s'intéresse à l'architecture japonaise ou pour qui veut comprendre le style de vie japonais de l'ancien temps. Naturellement, cet ouvrage a connu des rééditions, chez Dover Publications ou  chez Tuttle, maisons d'édition spécialisées dans la réédition d'ouvrages du XIXème siècle, et est donc largement disponible à prix modique, en particulier sur les "grandes" librairies en ligne.

japanese room

Non content de parler de chaque pièce qui constitue la maison japonaise traditionnelle, de l'entrée aux toilettes, en passant par la cuisine, l'auteur détaille et explique très simplement l'usage d'une multitude d'objets de la vie quotidienne dans l'ancien Japon, de l'hibashi au porte-serviettes.

japanese towel rack, antiquités japonaises, japanese antiques

Les différents éléments architecturaux, et pas seulement les formes de maisons, sont également détaillé, des types de tuiles aux escaliers, en passant par les Shoji, les lanternes de jardin, les escaliers, les pots de fleurs, les haies, ... . Cerise sur le gâteau, l'ouvrage est abondamment fourni en gravures, qui viennent toujours illustrer fort à propos telle ou telle partie du discours.

Enfin, la partie sur la chambre de thé est relativement intéressante et est une bonne introduction pour qui s'intéresse à leur histoire ou à leur organisation.

intérieur de pavillon de thé, Sen no rikyu

La meilleure illustration de la richesse du contenu de l'ouvrage reste encore son sommaire, qui s'organise comme suit :

Chapitre 1 : La maison
Apparence des villes et villages - description générale de la maison - construction de la maison - structure et fondation - renforcement de la structure - sélection du bois - la construction des plafond - les séparations et les murs - la structure des Kura - les charpentiers japonais - les outils des charpentiers et leur utilisation.

Chapitre 2 : Types de maisons
Les maisons de ville et les maisons de campagne - maisons de pêcheurs - Kura - étude des toits - toits en bardeaux - toits en tuiles - toits en pierre - toits de chaumes

Chapitre 3 : Les intérieurs
Descriptions - plans - tatamis - les écrans coulissants - Fusuma -Hikite - Shoji - Tokonoma - Chigai-dana - chambre de thé - Kura - les plafonds - les murs - Ranma - fenêtres - les écrans portables

Chapitre 4 : Les intérieurs - suite
Cuisine - sols - placards - escaliers - bains publics - baignoires - porte-serviettes - literie et oreillers - Hibachi et Tabako-bon - bougies et bougeoirs - lampes et lanternes - autels domestiques - les nids d'oiseaux dans la maison - toilettes

Chapitre 5 : Entrées et chemins d'approche
Vestibule et hall - vérandas et balcons - Amado - To-bukuro - Chodzu-bachi - porches - barrières

Chapitre 6 : Les jardins
Stèles - Ishi-doro - ponts - pavillons d'été - bassins - chemins - bonzaïs et pots de fleurs

Chapitre 7 : Divers
Puits et alimentation en eau - fleurs - décorations d'intérieur - précautions contre le feu - maisons de styles étrangers - l’absence de monuments

Chapitre 8 : La maison ancienne
Allusions à la maison dans les archives anciennes japonaises

Chapitre 9 : Les maisons des voisins
La maison des Aïnous - des insulaires Bonin - des Loochooan - des coréens - des chinois - remarques de conclusion

entrée de maison traditionnelle japonaise

23 mars 2014

Il faut garder la pêche !

demysteafication

La pêche est un symbole que l'on rencontre assez souvent dans la sphère culturelle chinoise, mais aussi, dans une moindre mesure cependant, dans la sphère culturelle japonaise.

La pêche est avant tout un symbole de longévité. Ainsi, selon la légende, Xiwangmu, Reine-mère de l'Occident dans le panthéon taoïste,  cultiverait des pêchers qui ne donneraient des fruits que tous les mille ans, la consommation d'un de ces fruits donnant l'immortalité. De plus, le caractère Shou signifiant "longévité" désigne également la pêche en tant que fruit ; les Lettrés chinois aimant les jeux linguistiques, l’analogie ne leur aura naturellement pas échappée ... 

La pêche semble avoir pris une place conséquente dans l'iconographie chinoise par le fait qu'elle constitue un cadeau de choix, telle qu'elle mais aussi sous forme de représentation, lors de la célébration des anniversaires, comme vœu bénéfique, mais aussi du fait de la capacité qui lui est prêtée de repousser dangers et maléfices.

thé et céramique the et ceramique

La pêche est également souvent associée à d'autres symboles, très variés, comme la chauve-souris ( autre symbole de longévité, mais qui, dans ce cas précis, symbolise aussi le bonheur ) ou la swastika ( qui, en Asie, représente la loi de bouddha, l'éternité, mais également le mot "beaucoup" en chinois ), façon de composer un message de souhaits et de porter bonheur.

Enfin, la pêche fait partie des Trois abondances, thème graphique où la pêche, qui symbolise bien sûr la longévité, est associée au cédrat main-de-bouddha ( bonheur et richesse ) et à la grenade ( symbole d'une descendance abondante ).

symbole de la pêche
Mizusashi avec prise en forme de pêche avec deux feuilles

8 mars 2014

Transfert, pochoir ou manuel : le décor de la porcelaine

dragon chinois

D'un point de vue strictement pratique, l'utilisation d'une porcelaine ancienne ou moderne ne change pas grand chose pour le buveur de thé ... et pour être un peu provocateur, j'irais même jusqu'à dire que les anciens, en présence d'une pâte de porcelaine moderne, préfèreraient vraisemblablement cette dernière à une pâte de leur époque ... Pourquoi ? Tout simplement car la pâte de porcelaine actuelle, avec son raffinage mécanique poussé et la disparition quasi totale d'oxydes ferriques, fait qu'aujourd'hui la porcelaine la plus bas de gamme atteint, voire dépasse, les standards de qualité élevés de la porcelaine impériale.

Par contre, il n'en serait certainement pas de même pour les techniques de décoration "modernes" que sont les transferts ou décalcomanies et autres utilisations de pochoirs ... Ces techniques de décor ( qui ne sont pas si "modernes" que çà, l'apparition de décors appliqués en décalcomanie datant, en Europe, de la première moitié du XIXème siècle ) étant la plupart du temps de qualité inférieure à ce qui se faisait avant leur utilisation.

Si le décor appliqué sur le contenant ne changera rien au goût du contenu, il est toujours utile de savoir si l'on ne vous vend pas du décor de grande série au prix du décor fait main ... et pour ceci, quelques "techniques" très simples permettent de faire rapidement la différence.

Pour bien comprendre quelles sont les porcelaines qui ne sont pas décorées manuellement, il faut d'abord comprendre comment s'effectue le décor manuel de celles-ci.

Techniques du décor manuel :

En premier lieu, il y a ce que j’appellerai le jeu des milles erreurs ...

Soba cup
7 tasses d'époque Edo ... cherchez les différences

Si on a la chance de pouvoir juxtaposer une série de pièces au décor identique de prime abord, on se rendra vite compte que des différences sont rapidement perceptibles, pour peu que l'on veuille bien y prêter un minimum d'attention : taille de tel ou tel détail, différence de placement, forme variable, élément manquant ou surnuméraire, ... . Tout cela traduit un décor peint à main levée, directement sur la pièce avant passage au four, que ce soit pour un décor sous couverte ou un décor sur couverte.

Si on a en main qu'une seule et même pièce qui répète sur plusieurs de ses côtés le même décor, on pourra, ici aussi, se prêter au même jeu ...

décor dragon rouge
Vase de fabrication contemporaine à décor entièrement fait à la main ... là encore, cherchez les "erreurs"

Là encore, les mêmes différences, parfois quasi imperceptibles en fonction de la dextérité du peintre, peuvent donc se remarquer plus ou moins facilement.

Mais le plus souvent, le décor ne se répète pas et il n'est pas possible de comparer plusieurs pièces similaires. Dans ce cas, il est nécessaire d'essayer de repérer certains traits caractéristiques de la peinture à la main.

Il faut se concentrer sur les traits, leur régularité et plus encore sur leurs défauts, sur la présence d'erreurs dans le décor, sur des chevauchements de traits qui n’auraient pas dû se produire, sur des débordements d’aplats de couleurs hors des traits qui leur servent de cadre ... naturellement, plus la pièce est peinte à la va-vite, plus les erreurs sont nombreuses :

bouteille chinoise pour tabac à priser
On pose d'abord quelques lignes directrices foncées, puis le fond dans un bleu plus dilué, donc plus clair, pour ensuite tracer les traits complémentaires dans un bleu moins dilué et donc plus foncé ... le tout en évitant de frotter la pièce car les retouches sont presque irréalisables ... pas le droit à l'erreur donc si l'on fait un décor fin ...

Ceci est donc moins valable pour les pièces réalisées avec un grand soin. Il faut alors se concentrer sur les différences de teintes. En effet, la couleur étant appliquée au pinceau, l'artiste ne peut réaliser le décor que touche par touche, ce qui se traduit par un certain dégradé dans la couleur des traits, le début d'un trait étant toujours plus foncé que sa terminaison :

porcelaine chinoise d'exportation

On remarquera également des ruptures de continuité, le peintre "rechargeant" son pinceau de couleur pour pouvoir continuer un trait ou la main du même artiste ayant légèrement bougée pour s'adapter à la forme de son support. De la même manière, les aplats de couleurs ne pouvant être réalisés en une seule fois, on peut y observer des traits de pinceau.

Tout ceci permet désormais de saisir rapidement la différence avec les autres techniques d'application de décors.

Transfert, décalcomanie, pochoir, sérigraphie :

Les transferts ou décalcomanie sont un moyen simple et surtout rapide d'appliquer un décor. La principale caractéristique du transfert est de fournir un dessin d'une parfaite régularité, le-dit transfert étant produit par une imprimante ou par sérigraphie.

décalcomanie sur porcelaine
Ligne parfaite et couleurs uniformes ... un certain manque d'âme ...

Cependant, il n'en a pas toujours été ainsi car les premiers transferts étaient faits à la main, donc ils étaient forcément plus ou moins irréguliers.

Ces derniers ont pourtant une caractéristique commune avec les transferts imprimés ou sérigraphiés, à savoir l'uniformité des aplats de couleur, dans lesquels aucun trait de pinceau n'est visible. Cela semble dû à une limitation technique ; en effet, la peinture manuelle ou mécanique est réalisée sur un support "papier" qui sert à transférer la couleur sur la pièce à décorer ce qui semble gommer les différences de teintes dans les aplats, la cuisson contribuant également à estomper les nuances.

Il faudra donc tenter de repérer les raccords dans le décor plus ou moins bien réalisé, les problèmes, pour les poseurs de décor, se rencontrant souvent sur les bords.

perle sacrée
Pile ...
trésors du Lettré
... et face

Des déchirures ou des pliures peuvent aussi se produire lors de la pose des transferts, la pose de décalcomanie étant presque un art à part entière. Naturellement, plus la pièce est petite, fine ou de forme complexe, plus les accidents risquent d'être nombreux, et ce ne sont pas ceux qui ont réalisé quelques maquettes en plastique d'avions, de bateaux ou de blindés dans leur jeune âge qui me contrediront !

Trésors du Lettré
Encore plus dures à poser que les cocardes de la Luftwaffe, les pivoines et les chrysanthèmes ...

La sérigraphie, qui consiste à appliquer une toile ajourée sur la pièce à décorer pour pouvoir y poser la couleur, fonctionne donc sur le même principe que le pochoir, mais est une technique plus "fine" et qui permet plus de régularité en général. La pose d'un décor grâce à la sérigraphie peut être décelée par l'utilisation d'une loupe, car la toile laisse de fines marques de treillis et les bords sont généralement moins nets qu'un décor de transferts imprimés, marqués par un phénomène ressemblant à des dents de scie, la loupe révélant de fines hachures en zigzag dues à la trame textile.

porcelaine japonaise
Décor appliqué par sérigraphie sur une porcelaine japonaise

Le pochoir est une technique relativement simple à mettre en œuvre et qui est certainement la moins onéreuse à mettre en pratique là où le coût de la main-d’œuvre est peu élevé, car une fois le pochoir réalisé, il peut être utilisé à l'infini et la pose d'un décor au pochoir est d'une exécution plus rapide que la pose d'un décor en décalcomanie. On remarquera cependant souvent des zones de raccords, plus nombreux car les pochoirs sont plus "rigides" que la toile utilisée en sérigraphie.

bone china
En général, quand il faut faire vite, on ne peut faire vraiment bien ...

Cette relative rigidité du pochoir entraine également des bavures de couleur, lors de l'application de celle-ci ou lors du retrait pas assez rapide du pochoir.

bone china
Deux traits pour le prix d'un ...

porcelaine d'époque Edo
Chaque trait est ici réalisé à main levée sur cette porcelaine

Mais le plus souvent, ce sont toute une combinaison de ces techniques qui sont utilisées, et cela même dans les porcelaines de très grande série.

bone china
Chauve-souris et décor stylisé faits au pochoir, lignes tracées à la main avec l'aide d'un "tour de potier", dragon chassant la perle sacrée en décalcomanie

bone china
Décor stylisé fait au pochoir, ligne faite à la main avec l'aide d'un "tour de potier", marque de fabrication et sinogrammes en décalcomanie
On l'aura compris, le décor des plus belles pièces, ainsi que des plus onéreuses et des plus anciennes, est normalement totalement réalisé à main levée, et la mention d'un décor réalisé à la main lorsqu'un transfert ( même réalisé manuellement ) est utilisé est, à mon sens, un abus de langage et relève presque de la malhonnêteté intellectuelle, jouant sur le fait que la clientèle de tels ouvrages n'est souvent pas capable de déceler la différence et croit de bonne foi acheter un décor fait à main levée.

26 février 2014

Exposition " De la Chine aux Arts Décoratifs "

Veste chinoise brodée
Veste longue informelle datant du XIXème siècle, avec un motif dit "glace craquelée" en fond brodé au fil métallique. Photographie © Les Arts Décoratifs / Jean Tholance

Du 13 février 2014 au 29 juin de cette même année, se tient au Musée Des Arts Décoratifs, au 107 rue de Rivoli à Paris, une exposition intitulée " De la Chine aux Arts Décoratifs ", qui propose un parcours dans les riches collections de ce musée, avec la présentation d'objets usuellement conservés majoritairement dans ses réserves, et cette exposition est donc une occasion rare de pouvoir admirer de telles œuvres.

De la Chine aux Arts Décoratifs
Brûle-parfum en bronze patiné en forme de Li Ding. Photographie© Les Arts Décoratifs / Jean Tholance

Fondée à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, la collection chinoise du Musée des Arts Décoratifs s'est ensuite notamment enrichie par de multiples legs et dépôts, ce qui lui confère une remarquable diversité.

Laque de la Chine aux Arts Décoratifs
Double gourde en laque datant du XVIIIème siècle. Photographie © Les Arts Décoratifs / Jean Tholance

Ainsi, à côté des bronzes et autres objets, qui valent à eux seuls déjà une visite, l'exhibition d'une importante partie de textiles mérite d'être soulignée, tant est habituellement difficile la présentation de telles pièces, eu égard à leur délicate conservation.

cloisonné bronze
Brûle-parfum en émaux cloisonnés en forme de Gui surmonté de champignons Lingzhi, symbole de longévité. Photographie © Les Arts Décoratifs / Jean Tholance

Cette exposition sera également l'occasion d'admirer la collection de cloisonnés réunie par Mr David-Weill et la baronne Salomon de Rothschild, ainsi que les collections de céramiques chinoises d'exportation d'Alexandrine Grandjean et de Paul Pannier. On notera enfin l'organisation de divers ateliers, parcours et visites guidées thématiques, dont une consacrée aux "symboles et motifs chinois".

Exposition au Musée des Arts Décoratifs Paris

18 février 2014

Vraie ou fausse, cette porcelaine ?

Porcelaine chinoise

Cette question pourrait remonter au XVIIème siècle, période pendant laquelle les pays européens ( et en particulier l'Allemagne, la France et l'Angleterre ) et les pays du golfe persique ont essayé de reproduire les porcelaines chinoises qui faisaient alors fureur. Comme personne ne connaissait alors les "secrets" de fabrication de la porcelaine chinoise, les européens créèrent la porcelaine à pâte tendre également appelée parfois faïence. Cette pâte n'est pas composée de Kaolin, mais d'autres argiles mélangées à de la fritte de verre et n'est pas translucide.

Musée de Sèvres
Un exemple de "copie" de porcelaine : une faïence iranienne au Musée de Sèvres
La cuisson de cette pâte se faisant aux alentours de 1100 à 1250° Celsius, soit un cuisson de type "grès" ( "stoneware" en anglais ) et la pièce une fois cuite étant plus tendre que la porcelaine ( c'est-à-dire que le passage d'une pièce métallique sur l'émail laisse une marque dans celui-ci ), cette "porcelaine européenne à pâte tendre" s'apparenterait plutôt aux grès ... et n'est donc pas une porcelaine tout compte fait ...

Il n'existe donc pas, à proprement parler, de "fausse" porcelaine, pâte unique avec des caractéristiques qui lui sont propres ... je sens poindre la déception du lecteur, alléché par le titre ...

La question qui se pose en fait, n'est ainsi pas de savoir si une porcelaine est vraie ou fausse, mais si elle est ancienne ou non ... Dans ce sens, nous parlons de "faux" au sens artistique, c'est-à-dire avec la volonté de tromper un éventuel acheteur ...

Le faussaire n'est pas toujours l'artisan qui réalise la pièce, la définition artistique différenciant la "copie" du "faux", la copie n'étant pas destinée à tromper mais à reproduire, parfois de façon totalement identique, une pièce plus ancienne ... un "faux" ne sera donc pas l'action d'un artisan, aussi doué soit-il, mais bien dans la volonté d'un vendeur de faire passer une pièce pour ce qu'elle n'est pas.

Quoi qu'il en soit, il existe quelques repères fort simples pour déterminer si une porcelaine a été réalisée avant 1912, date qui coïncide avec la fin de l'ère Meiji au Japon et la fin de la dynastie Qing en Chine, que l'on retiendra pour une commodité de datation. En effet, on peut considérer que les années 1900 - 1910 sont une période de fin de transition pour la production de porcelaine en Chine et au Japon, avec le terme de l'introduction de la mécanisation des processus de raffinage du kaolin, mis au point en Europe vers le milieu du XIXème siècle.

Si ce point peut sembler anecdotique, il a en fait toute son importance, car il se traduit directement sur la pâte de porcelaine une fois cuite. Pour comprendre cela, il faut se pencher un instant sur ce qu'est, chimiquement parlant, le kaolin ...

Si vous ne le saviez pas, sachez que le kaolin fait partie de la famille des argiles. Les argiles contiennent en majorité des silicates et oxydes divers ( Potassium, Sodium, Ammonium, Aluminium, Fer, Calcium, Titane, Magnésium, Manganèse, Chrome, Strontium, Baryum, ... ) et de l'eau, ce qui leur confère une certaine imperméabilité à l'état naturel ( du fait d'une granulométrie inférieure à 4 microns ), ainsi qu'une sujétion à certains effets de gonflement ou de retrait en fonction des variations de l'humidité volumique ( ou humidité du sol ). Encore une fois, quel intérêt à cela ? C'est là encore très simple : alors que la majeure partie des argiles contiennent des oxydes ferriques en quantité, ce qui leur confère leur couleur rouge ou cuivrée, le kaolin, lui, contient essentiellement des silicates d'aluminium et, au plus, de 1,64% d' oxyde de fer .... d'où sa couleur blanche naturelle ...

Et donc, pourquoi est-ce important, me direz-vous ... Tout simplement car le fer migre et s’agglutine pour former divers points d'amas d'oxydes ferriques lors de la cuisson ( visiblement, la cuisson à haute température entraine un effet de magnétisme qui entraine l'agglomération des particules ferriques proches les unes des autres et forme ainsi ces divers amas ). C'est là que cela prend tout son sens : avec un kaolin raffiné suivant des méthodes mécaniques introduites progressivement au début du XXème siècle, le fer est pratiquement éliminé, voire l'est totalement, donc les amas d'oxydes ferriques disparaissent peu à peu des porcelaines produites à cette période ... et les pièces antérieures à la fin de l'ère Meiji / la dynastie Qing, deviennent "facilement" identifiables ...

vraie ou fausse porcelaine
Dans le corps d'un pièce moderne, un amas bien seul et de trop petite taille pour avoir migré vers les bords de la pièce

Ces amas sont relativement faciles à repérer, à la surface de la glaçure, formant comme un creux aux bords généralement arrondis ressemblant à un puits ou un soulèvement de glaçure, comme les bords du cratère d'un volcan. Cela se produit suite à la formation de l'amalgame qui empêche la glaçure de le  recouvrir ou qui entraine l'éclatement d'une bulle de glaçure.

porcelaine porcelaine ancienne

plat en porcelaine porcelaine japonaise ancienne

Toutes les porcelaines anciennes ne sont cependant pas couvertes de ces amalgames ( ce serait trop facile ), suite à un processus de raffinement poussé du kaolin, mais de façon manuelle, ce qui n'enlèvera pas tous les oxydes ferriques. Les amalgames sont alors présents mais restent dans le corps de la pièce en porcelaine. Il suffit d'éclairer le corps de la pièce avec une lampe assez puissante pour voir ceux-ci apparaître. C'est notamment le cas pour les porcelaines impériales, qui font l'objet de soins de manufacturation plus élevés que les productions destinées au commun ( dont la destruction systématique des pièces présentant le défaut même le plus minime ). Ainsi, les pièces particulièrement travaillées présenteront très peu, voire pas du tout d'amalgames en surface.

porcelaine période Qing
Amalgame d'oxydes ferriques dans le col d'un vase, la parois externe de l'objet n'en révélant par ailleurs pas
porcelaine chinoise d'exportation
Amalgame d'oxydes ferriques dans le corps d'une potiche, révélé seulement par l'apport de lumière et le jeu de transparence
porcelaine vietnamienne
Un peu moins courant : un petit amalgame d'oxydes ferriques qui épouse la forme du corps de l'objet
Pendant longtemps, ces seuls critères ont été presque suffisant pour repérer l'immense majorité des productions modernes : les fabricants de copies de porcelaines anciennes comme de porcelaines contemporaines ayant pris l'habitude de se fournir auprès des industries de raffinage, tout simplement par facilité ou par gain de temps ( plus d'argile à préparer soi-même mais utilisation d'une argile préparée industriellement ) et d'argent ( utilisation d'une argile produite en grande quantité et donc avec un coût moindre ). Cette remarque est par ailleurs valable pour toute l'argile utilisée pour la fabrication de céramique, qu'elles soient ou non en porcelaine. Aujourd'hui, on voit des porcelaines modernes dont la pâte a été raffinée directement par l'artisan potier ou l'atelier de production et qui présentent donc de multiples amalgames d'oxydes ferriques ! Ceux-ci sont peut être un peu plus "grossiers" que pour les pièces originales, mais tout est question d'appréciation ...

china forgery
Un exemple de vase de fabrication moderne réalisé "à l'ancienne"
fausse porcelaine chinoise ancienne
Fabrication moderne "à l'ancienne" ou pièce réellement ancienne, les amalgames ont souvent tendance à être plus nombreux au fond de la pièce
Il faut donc désormais faire à la fois attention à la présence d'oxydes ferriques, mais aussi aux micro-rayures qui courent sur la pièce ( car une porcelaine se raye petit à petit par la force de l'usage ) et qui doivent être hétérogènes ( les faussaires frottent par exemple des pierres sur le corps de la pièce pour les reproduire, mais toutes les rayures étant faites par des mouvements identiques et en même temps, un œil exercé peut repérer cette répétition ). On observera également les manques d'émail, les pièces anciennes présentant parfois des irrégularité dans la continuité de la couverte ou carrément des manques, dû ici à une cuisson au bois mal maîtrisée ... là encore, c'est reproductible, mais tous ces éléments permettent déjà d'éliminer l'immense majorité des copies contemporaines vendues comme antiquités ... reste les "vrais" faux, destinés à tromper collectionneurs et experts, mais dont le volume est moindre, car destiné à un marché relativement restreint. Ce type de faux très élaboré concerne essentiellement les pièces de grande taille, comme les vases, et certains plats, bols ou verseuses plus petits mais de qualité impériale.

vase chinois ancien
Un exemple de manque ou retrait d'émail
Old chinese bone china

Quoi qu'il en soit, pour confirmer une datation se rajoute toujours une étude du décor, de la forme et de l'éventuelle signature ou de l'éventuelle mention portée sur la pièce qui doivent correspondre à la même époque. Cette étape ci requiert par contre une certaine expertise et une certaine formation et ne s'improvise pas. On notera enfin que la falsification suit souvent les modes du marché de l'art et que la plupart des méthodes de datation scientifiques, comme les tests de thermoluminescence, ne sont plus fiables, les faussaires ayant trouvé le moyen de les contourner ( par exemple, pour les porcelaines, par l'habile collage de tessons réellement anciens sous une pièce, là où seront réalisés les prélèvements pour les tests ... les Mingqi eux, qui sont les pièces les plus contrefaites, car il s'agit de terres cuites et qu'elles sont  "à la mode" sur le marché de l'art, sont souvent composés de "terre de tombe" issue de fouilles qui est liée par diverses résines ou par pressage ).