Ouvertures sur d'autres cultures | DemysTEAfication
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15 août 2012

Un Crapaud sur la table à thé !

Jin Chan crapaud doré

Petits objets de pure décoration ou signes auspicieux, de petites sculptures de terre, généralement dites de Yixing, apparaissent parfois au coin de la table ou du bateau à thé. De toutes formes et de toutes tailles, la plus courante est néanmoins une sorte de crapaud à trois pattes, pourvu ou non de divers accessoires que sont pièces de monnaies et constellation de la Grande Ourse.

Cette petite bestiole, pourvue des attributs énumérés ci-dessus se prénomme Jin Chan dit aussi le "crapaud doré " ... naturellement, notamment en relation avec une certaine mode dite du " Feng Shui ", on trouve divers "us et coutumes " plus ou moins ancrés à " respecter " : tourner Jin Chan vers soi pour attirer l'argent ou tourner Jin Chan vers la porte puis vers soi pour attirer l'argent de dehors vers soi ... si le crapaud n'a pas de pièces dans la bouche, il faut le tourner vers l'extérieur et ne surtout pas le tourner vers soi, sinon il vous prendra tout votre argent ... la sale bête peut donc avoir un double tranchant si on ne sait pas lui parler ... d'un autre côté, boire du thé est par essence coûteux, pour peu que l'on s'aventure sur le terrain de la qualité ...

De façon plus historique,tout est encore ici plein de symboles ... le crapaud ( Chan ) seul est un signe de protection contre les mauvaises influences ...pour les monnaies ( qui sont des sapèques ) qui l'accompagnent, c'est un peu plus complexe, même si le sens général reste le même, à savoir la monnaie qui porte chance et le symbole taoïste du Tout.

La sapèque, qui est une pièce de bronze, est censée, elle, éloigner le malheur, dans le même sens que le crapaud, mais la sapèque symbolise également la richesse et la chance. Sa forme ronde percée d'un carré au centre rappelle le ciel ( rond ) et la terre ( carré ) des taoïstes qui forment un tout, comme le souligne la prononciation du sinogramme correspondant à la sapèque : Yuan ... c'est-à-dire le " premier ", mais plus largement encore le complet ou l'entier ... et donc le " Tout " ...

Enfin, du fait de sa forme, on recourait à une pratique particulière : celle d'enfiler des pièces sur un cordon et de les lier par le biais de nœuds par série de mille pièces, formant ainsi une " ligature " qui devient une unité de compte ... mais qui symbolise aussi la " prospérité de manière ininterrompue ", l'écriture et la prononciation de ces deux termes étant identique ( Lianquian ).

Encore une fois, que de sens différents réunis dans une si petite chose !

2 août 2012

Le lapin dans la lune

Le lapin dans la lune

La pleine lune est là, et son lapin aussi. Quel lapin ? Eh bien le lapin dans la lune, le lapin messager des dieux. Non, je n’affabule pas, et non, n'ai pas abusé du sake ...

En fait, on trouve au moins deux lapins dans la lune, voici le premier :

lapin sur la lune

et voici le second :

ce n'est pas un lapin crétin

Le second renvoie à diverses légendes, dont une légende japonaise selon laquelle un lapin, un singe et un renard aident un vieil homme affamé en lui apportant de la nourriture. Le renard apporte le fruit de sa chasse, le singe apporte le fruit de sa cueillette, mais le lapin, ne sachant quoi apporter, se jette dans le feu pour offrir sa propre chair au vieil homme. Mais ce dernier révèle sa nature divine de roi des dieux et emmène le lapin avec lui sur la lune pour que tous puissent voir la grandeur d'âme du lapin. Cette légende s'inspire peut être d'un conte bouddhiste ou le vieil homme se révèle être Sakra ou Indra ( le roi des dieux) et où les trois animaux sont un lapin, un singe et un chacal. Là encore, la présence du lapin sur la lune est une récompense pour celui-ci, de même que les tâches qu'il accomplit pour aider les dieux.

Ainsi, selon d'anciennes croyances chinoises remontant aux Royaumes Combattants, le lapin serait aussi le compagnon de la déesse Chang'E. Il préparerait pour elle l’élixir d'immortalité.

Dès lors, on voit souvent représenté le lapin en train de piller des herbes pour préparer l'élixir d'immortalité. Il est aussi dit qu'il nettoye la lune à chaque cycle de pleine lune en frottant celle-ci avec une poignée de prêles ( ou de joncs ). Enfin, le lapin serait aussi le messager des dieux et aurait des dons de prédiction.

temple japonais

Ici, avec l'illustration ci-dessus et celle ci-dessous, c'est plus à la légende d'Okuninushi  que le lapin ou le lièvre est lié, du fait de sa représentation particulière. Selon la légende, Okuninushi avait 80 frères ou demi-frères et était le cadet de ces dieux. Les frères se rendirent tous à Inaba pour courtiser la princesse Yakami ou Yagami, Okuninushi portant les bagages ( raison pour laquelle il est représenté avec grand un sac ). Sur le chemin, les frères croisent un lapin écorché par des requins ( ou des crocodiles ou des serpents, suivant les versions ). Le lapin leur demande comment faire repousser la peau qu'il a perdu, mais comme les frères sont plutôt de nature cruelle, ils lui conseillent de se baigner dans la mer proche puis de se sècher au vent. Naturellement, cela ravive de plus belle la douleur. Arrive ensuite Okuninushi, ralenti car il porte les bagages. Le lapin lui pose la même question et Okuninushi, plus compatissant et généreux, lui suggère de se baigner dans l'eau douce du fleuve proche et de se couvrir ensuite de pollen de joncs ( ou de branches ou de feuilles de joncs suivant les versions ). Le lapin est de suite rétabli, retrouve sa fourrure blanche éclatante et annonce à Okuninushi qu'il sera celui qui épousera la princesse Yakami ou Yagami. On représente ainsi Okuninushi et le lapin avec des symboles auspicieux, Okuninushi avec un maillet de prospérité et le lapin avec un Gohei ( bâton décoré de deux Shide, bandes de papier plié ) de purification.

le lapin dans la lune

Ainsi, le lapin trouve une place de choix dans l'iconographie, peu en Chine mais beaucoup plus au Japon où on le retrouve comme un élément de décoration à part entière sur de nombreux supports, du Noren aux éléments de décor des sabres ( Kodogu )..

Kodogu

1 août 2012

La chauve-souris, histoire d'un symbole

demysteafication

Pour un occidental, étonnant symbole que celui de la chauve-souris, que l'on retrouve parfois représentée, entre autre, sur certaines pièces de porcelaine chinoise destinées au thé.

Mais en Chine, la chauve-souris est un porte bonheur et un symbole taoïste. Elle est ainsi un lien avec le monde des immortels, dont elle peut être le messager, car elle repose dans des endroits souterrains ou de sombres cavernes. Elle est aussi proche des mêmes immortels car douée de grandes capacités : En effet, son cerveau étant très lourd, elle est obligée de dormir la tête en bas, la taille de son cerveau étant aussi le signe de sa longévité.

Dès lors, elle est un symbole bénéfique. Ce symbolisme est renforcé par un jeu de sens sur les caractères qui la représentent ( prononciation en pinyin : Bianfu ) et le terme bonheur ( prononciation en pinyin : Fu ) ou encore prospérité ou bénédiction.

Enfin, selon son nombre ou les autres symboles qui l'accompagnent, sa présence prend un sens différent, toujours en jouant sur les prononciations des sinogrammes.

21 juillet 2012

Zen Hôyô : Liturgie du bouddhisme zen

Zen hoyo

Publié en avril 2010 par Radio France dans sa collection Ocora, sous la référence C 560231, avec le soutient de la Fondation Franco Japonaise Sasakawa, « ce disque présente un enregistrement d'un service monastique de la secte Rinzai du bouddhisme zen, célébré le 22 avril 2008 à la chapelle Shinju-an du temple Daitokuji à Kyôto [...] La célébration, constituée de douze séquences exécutées sans interruption, est structurée par l'alternance de séquences instrumentales, de récitations de sûtras et de prières. Outre des instruments traditionnellement utilisés dans le culte, tels que la cloche, la clochette, le dora ( petit gong bulbé ), le bloc en bois, on a ajouté des lithophones ( sanukite ) ». On y retrouvera aussi la flûte Shakuhashi.

L'enregistrement se compose comme suit :

  • Introduction instrumentale. 12'40"
  • Récitation du Daihishinjû ( Sûtra de la compassion infinie ). 07'35"
  • Prière. 02'32"
  • Intermède instrumental. 02'15"
  • Récitation du Daihishinjû. 05'14"
  • Prière. 02'13"
  • Intermède instrumental. 06'21"
  • Récitation du Myôhô-rengekyô ( Sûtra du lotus de la loi merveilleuse ). 06'53"
  • Prière. 04'28"
  • Intermède instrumental. 05'01"
  • Récitation de préceptes. 03'17"
  • Postlude instrumental.04'42"

Avec cet enregistrement d'une durée totale de 63 minutes et 16 secondes et ses « voix et instruments, unis à la recherche de la Sûnyatâ ( vacuité ) » on trouve un univers sonore totalement différent de ce que l'on est habitué à entendre dans le monde occidental que cela est assez déroutant au premier abord. Cela est même différent de la musique japonaise plus "classique" et c'est la répétition qui forme ici ses propres sonorités en variant ses tempos. C'est ainsi un voyage vers un autre univers que propose cet enregistrement peu commun.

19 juillet 2012

Le thé à Guimet - Histoire d'une boisson

exposition musée des arts asiatiques guimet

Du 3 octobre 2012 au 7 janvier 2013 se tiendra au Musée Guimet une exposition intitulée "Le thé à Guimet - Histoire d'une boisson". Le titre est prometteur et explicite : le thé sera sans doute aucun au centre de cette exposition, au moins dans les objets dédiés à sa consommation.

Le commissaire de l’exposition étant Jean-Paul Desroches, Conservateur général s'occupant plus particulièrement de la section Chinoise du musée, il y a fort à parier que ce sera la consommation du thé en Chine qui occupera la plus grande part de cette exposition ; impression confortée par l'affiche présentant un magnifique bol de qualité impériale exposée par ailleurs dans les collections permanentes.

Comme toujours, des actions, animations et conférences se tiendront en parallèle de cette exposition temporaire qu'il ne reste plus qu'à attendre avec impatience.

11 juillet 2012

Kintsugi et Gintsugi : un autre rapport à l'objet

Gintsugi réparation à la laque d'argent
Gintsugi : la brisure devient art ...
Kintsugi, Gintsugi et Urushi-Tsugi sont trois termes qui, à eux seuls, peuvent résumer tout un pan du rapport à l'objet en Asie, très éloigné de notre conception occidentale.

En effet, dès qu'une céramique se brise sous nos cieux, son destin est de rejoindre le dépotoir le plus proche et les grandes pièces de collection voient leur prix chuter de façon drastique, quand elles ne perdent pas tout simplement toute valeur aux yeux des collectionneurs.

Il en est différemment dans la tradition céramique asiatique, où l'objet brisé peut trouver un nouveau souffle et continuer sa vie ... et sur le marché de l'art, de tels bols réparés obtiennent même finalement de meilleurs résultats en vente que des pièces intactes.

Yamane Seigan Gintsugi
Gintsugi sur un Ido Chawan de Yamane Seigan
Historiquement, il est dit que le Shogun Ashikaga Yoshimasa ( 1435 - 1490 ) ayant cassé son bol à thé favori, émis le souhait de voir ce dernier réparé. Le bol fut alors renvoyé d'où il provenait, c'est-à-dire de Chine, dans les mains d'artisans réputés habiles et pouvant satisfaire la demande du souverain. Après un long moment, le bol revint au Japon, mais le Shogun ne fut pas satisfait de la réparation : en effet, les morceaux étaient tenus entre eux par des agrafes métalliques plus que disgracieuses et qui ne rendaient pas réellement l'objet utilisable puisque ne comblant pas les fissures entre chaque morceau. Ashikaga Yoshimasa aurait alors demandé aux artisans japonais de trouver une technique susceptible de pallier aux problèmes posés par la réparation avec des agrafes : la réparation à la laque d'or ou Kintsugi était née de cette recherche ...

réparation de bol à thé : kintsugi
Kintsugi sur bol en Raku
Légende ou non, le Kintsugi était dès lors le moyen, non seulement de restaurer l'intégrité physique d'un objet, mais encore celui de lui rendre son étanchéité et donc toute ses capacités en ce qui concerne les céramiques destinées à contenir des liquides. L'objet retrouve ainsi son usage premier et peut continuer à vivre.

Kintsugi
Le Kintsugi suivant les "lignes de faille", il introduit une asymétrie dans la pièce qui correspond bien au goût du Wabi-Sabi
Mais l'art de la réparation à la laque d'or ne se limite pas au seul Kintsugi. En effet, le Kintsugi connait deux "dérivés", à savoir le Gintsugi, ou réparation à la laque d'argent, ainsi que l'Urushi-Tsugi, la réparation à la laque naturelle Urushi.

céladon corée
Kintsugi sur un céladon coréen du Musée Guimet
Ces techniques ne bornent cependant pas les usages artistiques qui peuvent être réalisés dans le cadre d'une réparation à la laque, et seuls l'habileté du laqueur - restaurateur et son imagination sont un frein à ce qu'il est possible de réaliser, comme on peut le voir dans certaines vitrines du Musée Guimet, ou le laqueur s'est appliqué à remplacer un morceau manquant par une pièce de laque recouverte de dessins de feuilles variées.

musée guimet
Kintsugi et Urushi-Tsugi mélangés sur le col d'une pièce coréenne du Musée Guimet
Dans le Kintsugi, la réparation, si elle suit les lignes de brisure de l'objet, peut ainsi également devenir création artistique à part entière, donnant une nouvelle dimension à l'objet blessé.
Chatsubo
Kintsugi sur un Tsubo du Musée Guimet
De façon plus pragmatique, on rencontre surtout les réparations à la laque sur des pièces en Raku du fait de leur mode de cuisson à "basse" température qui peut provoquer des manques d'adhérence entre la pièce et sa couverte, du moins par endroit. A l'usage, le Chawan perd ainsi des petits bouts de couverte voire même des bouts moins petits, que l'on comble avec le recourt au Kintsugi.

reparation à la laque sur piece ceramique ancienne
Réparations multiples sur le col d'un Mizuzashi en Raku au Musée Guimet
Le Kintsugi connut un tel engouement, notamment au XVIème siècle, qu'il est même dit que certains collectionneurs brisaient volontairement certaines de leurs pièces pour pouvoir les faire réparer. Plus prosaïquement, la multitude des Kintsugi que l'on trouve sur les pièces anciennes vient soit des aléas résultant de leur usage, soit de défauts de cuisson dans les pièces. Mais quoi qu'il en soit, le collectionneur de céramique pourra toujours compter sur le concours de la minutie des services postaux pour réduire en miette n'importe quelle pièce.

7 juillet 2012

Exposition au Musée Cernuschi : Un petit tour et puis s'en va ...

Musée Cernuschi

J'avais évoqué il y a quelque temps une exposition au musée Cernuschi, intitulée " Rêves de laque, le Japon de Shibata Zeshin " ; exposition fondée sur la collection Catherine et Thomas Edson du San Antonio Museum of Art et qui prend fin le 15 juillet.
 
Ayant enfin eu le loisir de m'y rendre, c'est-à-dire une bonne et longue après-midi libre, je peux en parler plus avant et vous exhorter à vous y rendre avant sa fin prochaine.

Comme souvent au musée Cernuschi, la muséographie est quasi parfaite et très agréable, participant sans conteste à la mise en valeur des pièces présentées. Certaines surprennent par leur taille, comme le Jubako ci-dessus ou comme le Ryoshibako présenté dans mon article précédent.

Pas d'objets du thé dans cette exposition, du moins pas directement, car on en trouve dans l'iconographie, ainsi que de façon détournée, comme pour une blague à tabac en bois laqué, reprenant la forme d'un Chaire.

rêves de laque

D'une façon générale, certains objets sont caractéristiques des thèmes iconographiques japonais, comme le vol de pluviers ou le faucon se regardant dans une cascade, mais la maîtrise de Shibata Zeshin est grande et la finesse des traits surprenante. On comprend facilement la renommée de cet artiste de l'ère Meiji de son vivant même et l'engouement qu'il a pu susciter alors.

Comme souvent dans les expositions temporaires, les prises de vues ne sont pas autorisées, et les clichés de cet articles sont donc ces clichés sont © San Antonio Museum of Art / John Deane pour le premier et © San Antonio Museum of Art /Peggy Tenison pour les deux suivants.

Au final, je ne peux encore qu'exhorter ceux qui le pourront à profiter de cette exposition de qualité présentant des objets rarement exposés du fait des conditions de conservation particulières des objets en laque.

rêves de laque

22 juin 2012

Les séductions du palais, cuisiner et manger en Chine

musée du quai branly

Du 19 juin au 30 septembre de cette année, se tient au Musée du Quai Branly une exposition intitulée " Les séductions du Palais, cuisiner et manger en Chine ".

D'après le bref synopsis que j'ai pu voir, l'exposition présente divers objets issus des collections du Musée national de Chine, en particulier de la vaisselle de l'époque néolithique, des bronzes et des pièces de porcelaine plus récentes. L'exposition tente ainsi de retracer une évolution de la vaisselle consacrée aux usages alimentaires chinois depuis leurs origines, en soulignant les aspects régionaux qui composent ces habitudes culinaires.

Ainsi, si les nouilles ou l'utilisation des baguettes risquent naturellement d'être évoquée, il semble que le thé ait également une place centrale à tenir au cœur de cette nouvelle exposition.

14 juin 2012

The Imperial packing art of the Qing dynasty

livre cfoc

Edité par Forbidden City Publishing House, cet ouvrage est le catalogue d'une exposition qui s'est tenue au Musée du Palais en 2000.

Ce catalogue a été réalisé à l'occasion de cette exposition, qui n'a pas seulement présenté des boites, laquées ou non,, destinées à abriter des objets de collection impériaux, dont de multiples objets de lettrés, mais également de simples jarres et emballages de paille de riz, utilisés de façon quotidienne pour l'empaquetage des objets et denrées journaliers, ce qui a été possible par divers prêts de pièces de la collection de François Dautresme.

The Imperial packing art of the Qing dynasty

Le catalogue présente notamment, parmi les denrées comme le vin et le gingembre divers moyens d'emballer le thé au 19ème siècle, dont l'emballage connu encore de nos jours qu'est le Tong. On peut y voir aussi des containers métalliques, eux mêmes coiffés d'un couvercle supplémentaire de tissu et placés dans une boite en bois précieux ( photographies © Palace Museum ).

The Imperial packing art of the Qing dynasty

Présentant peu d'objets liés au thé, ce catalogue présente néanmoins un intéressant point de vue sur  l'art de l'emballage en Chine et sur son luxe. Il nous montre également qu'un bel objet ne peut avoir qu'un bel écrin et que ce dernier peut également être un objet d'admiration.

10 juin 2012

Hommage à Chen Zhong

Ocora radio France

Chaque domaine artistique éclaire, parfois avec un angle différent, une civilisation et ses coutumes, tandis que l'appréhension de la culture et de l'art d'une civilisation ou d'une aire culturelle ne peut se faire que de façon globale, tant les interactions entre les différents domaines artistiques sont multiples.

La dégustation d'un thé d'une certaine origine géographique peut elle gagner quelque chose si ce thé est consommé dans une céramique ayant la même origine avec un fond sonore de la même région ? Je n'en sais rien, et tout est à coup sûr question de goût personnel, comme toujours avec le thé. Mais une chose est certaine, c'est que l'on gagne toujours à diversifier ses approches pour saisir une culture, par ses habitudes alimentaires, ses techniques d'infusion ou sa musique, bref, son esprit.

Ainsi, le très intéressant livret de ce disque hommage à Chen Zhong ( 1919 - 8 mai 2002 ), édité par Radio France dans sa collection Ocora est rédigé par François Picard, qui nous apprend dans celui-ci que pour le musicien chinois, « l’attitude vis-à-vis de l’enregistrement et de la publication d’une version de référence est […] ambiguë : source de gloire, elle est aussi dépossession. L’art de la musique chinoise ne se situe pas dans la composition, mais dans la réinvention, qui n’est pas qu’ornementation ». Ainsi, « Sun Yude, grand joueur de flûte xiao et de luth pipa, était son ami intime et, un peu plus âgé, son maître ou du moins son modèle. Cela ne signifie pas qu’il lui a transmis son répertoire, au contraire, et Chen Zhong apprit certaines pièces par vol, de manière acousmatique, caché derrière un rideau. Certains musiciens […] doivent leur renommée, leur réputation et toute leur carrière à une seule interprétation. L’enregistrement est donc une affaire grave, et le musicien se doit de demander "très cher", soit alors quelques centaines de yuan ( plus d’un mois de salaire ) pour une pièce ».

Les pièces de ce disque ( référence  C 560183 dans la collection ocora de Radio France, diffusion par Harmonia Mundi ) sont organisées comme suit :
  1. Xun Feng qu ( vent du printemps ), xiao et ensemble. 05'17".
  2. Yangguan san die ( trois variations sur la "Passe du Soleil" ), xun et ensemble. 05'02".
  3. Gaoshan liushui ( Hautes montagnes et eaux qui coulent ), xiao et zheng. 03'52".
  4. Xigong ci ( Poème du Palais de l'Ouest ), xun et ensemble. 03'57".
  5. Zhuangtai qiu si ( Songe d'automne devant la coiffeuse ), xiao et zheng. 05'29".
  6. Chu ge ( Chant du pays de Chu ), xun et zheng. 05'25".
  7. Foshang dian ( Le Bouddha au-dessus de l'autel ) xiao et zheng. 05'04".
  8. Guanshan yue ( La Lune sur le mont Guanshan ), xun et ensemble. 03'35".
  9. Chu shui lian ( Le Lotus sort de l'eau ), xiao et ensemble. 03'22".
  10. Pu'an zhou ( Incantation de Pu'an ), xun et ensemble. 07'10".
  11. Han gong qiu yue ( Lune d'automne au Palais des Han ), ensemble. 06'52".
  12. Long xiang cao ( Dragon volant ), cithare qin. 05'43".
  13. Yi guren ( Un Vieil ami ), cithare qin. 09'15".
 Chen Zhong, maîtrisant plusieurs instruments, interprète ses pièces à l'ocarina xun, à la flûte verticale xiao ou à la cithare qin. Il est ici accompagné par un ensemble de musiciens ou par un joueur de cithare zheng.

Pour en savoir plus, vous pouvez vous rendre, entre autre, sur le site d'Amazon, qui propose d'écouter des extraits de chaque pièce ...

Pour finir, je dirai que le tout se mariera très bien avec un thé vert du genre Long Jing, et son tonus tranquille ...

28 mai 2012

Exposition " Rêves de Laque, le Japon de Shibata Zeshin "

musée cernuschi


Jusqu'au 15 juillet de cette année, le Musée Cernuschi ( également appelé Musée des Arts Asiatiques de la Ville de Paris ) propose une exposition fondée sur la collection Catherine et Thomas Edson du San Antonio Museum of Art.

Je sais, l'exposition à débuté le 6 avril, mais que voulez-vous, à force d'appliquer une certaine procrastination à cet article, il était quelque peu tombé dans les limbes des brouillons de ce blog et était même sur le point de payer son écot à Charon pour passer l'Achéron du web ...

Voici donc la chose réparée. A première vue, on pourrait penser que le lien entre l'art de la laque et l'art de la  céramique est bien ténu, mais ce serait se tromper lourdement, comme le montre l'histoire de l'élaboration du Kyoyaki, par exemple.
exposition rêves de laque
Les maigres extraits disponibles laissent cependant entrevoir la richesse et la finesse d'un art touchant un vaste champ d'application, allant de la boite à lettres (Ryoshibako) comme celle ci-dessus, ornée des attributs des sept dieux du bonheur, ou encore ce petit Netsuke ci-dessous, en forme de moineau ( ces clichés sont © San Antonio Museum of Art / Peggy Tenison ).
musée cernuschi
Je ne peux donc que vous inciter à vous rendre à cette exposition temporaire, dont le prix d'entrée à plein tarif est de 7 €, pour admirer plus avant le travail de Shibata Zeshin (1807-1891). Pour ma part, je donnerai une suite à ce billet dès que je m'y serai rendu.

3 avril 2012

Un art particulier : Les Rochers de Lettrés

exposition musée guimet

Comme je l'écrivais dans un précédent billet, une exposition, intitulée "Rochers de Lettrés. Itinéraires de l'art en Chine", se tient jusqu'au 25 juin 2012 au Musée Guimet. L'exposition présente surtout quelques rochers de Lettrés, pièces étonnantes, mais aussi des racines spectaculaires, toutes enchâssées dans des socles en bois précieux finement ouvragés. A côté de ces pièces, on peut également admirer quelques meubles de l'époque Ming et divers petits objets, liés aux Lettrés, comme des pots à pinceaux, des poids à papier ou encore des pierres à encre, l'immense majorité provenant des collections du studio Xiaogushan guan.

pierre de rêve
Photographie © Musée Guimet / Studio Xiaogushan guan

Si l'alcool est évoqué à travers diverses peintures, le thé n'a malheureusement pas sa place dans cette exposition, qui conserve un grand intérêt malgré tout pour tout amoureux de la culture chinoise. Les liens entre les pièces anciennes et les créations modernes  de Liu Dan ainsi que celles de Zeng Xiaojun, sont aussi une composante majeure de cette exposition hors norme qui appelle à la contemplation, dont Catherine Delacour, Conservatrice en chef au musée des arts asiatiques Guimet, assure le commissariat. Catherine Delacour est également la directrice du catalogue ( dont la couverture sert d'illustration à cet article ) publié à l'occasion de cette exposition, et témoignage de l'immense travail accompli pour monter cette exposition qui "a le mérite de sortir de l'ordinaire", pour reprendre les mots du texte de présentation de la quatrième de couverture.

Pierre de rêve
Photographie © Musée Guimet / Studio Xiaogushan guan
Pour le "reste", l'ambiance était toute autre cette fois-ci dans ce grand bâtiment, et le plus grand musée asiatique d'Europe était égal à sa réputation. Toutes les lumières étaient cette fois-ci allumées, même si certaines autres remarques sont toujours valables, notamment sur les céramiques et l'espace dédié aux arts du Japon. Par ailleurs, l'exposition "Sho 1 - 41 maîtres calligraphes contemporains du Japon" ( se tenant du 14 mars au 14 mai 2012 ) a entraîné une modification de la muséographie habituelle du deuxième étage, ce qui semble donner un peu de dynamisme à ce dernier.

26 mars 2012

Rochers de lettrés. Itinéraires de l'art en Chine


musée guimet

Voilà une exposition montée par le Musée Guimet qui devrait se révéler intéressante, du moins, j'en prends le pari. Car, en règle générale, toute bonne exposition sur les lettrés ne se cantonne pas seulement aux calligraphies, aux divers objets d'art ou aux objets liés à l'écriture, mais présente aussi diverses céramiques liées à certaines habitudes de consommation de leurs propriétaires dont les alcools mais aussi le thé.

Bien que semblant parfois à la dérive, le Musée Guimet présente fréquemment des expositions d'un intérêt majeur, et celle-ci, qui commencera le 28 mars 2012 et se terminera le 25 juin de la même année, ne devrait pas faire exception.

Catherine Delacour, conservateur en chef, section Chine du musée Guimet fait par ailleurs une description de cette exposition  à venir que je reprends ici :

" Cette exposition d’envergure internationale enrichie de prêts exceptionnels provenant de Chine et des Etats-Unis, a pour objectif de rendre accessible au public le goût des lettrés chinois pour les rochers en le confrontant à une trentaine de ces pierres pluri-millénaires choisies et chéries par des générations de lettrés.

Au total, une centaine d’objets seront exposés, car outre les pierres seront présentés d’autres objets, ceux qui accompagnent depuis toujours les activités des lettrés, peintres et calligraphes de par leur formation, bien sûr, mais aussi et surtout du fait de leur sensibilité personnelle : pots à pinceaux, pierres à encre, pose-pinceaux etc.

Les pierres qui portent en elles les forces telluriques de l’univers, ont reçu des noms poétiques comme « racines de nuages » ou encore, « os de la terre » On dit aussi qu’elles étaient des pans de la voûte céleste tombés sur notre sol.

Ainsi, s’il est clair que leur présence physique ne pourra pas ne pas provoquer d’émotion chez un public désormais sensibilisé à l’art abstrait, c’est également de l’arrière plan philosophique, poétique et mythique chinois dont elles sont les témoins que l’on entretiendra les visiteurs de cette exposition.

Ces dernières caractéristiques appartiennent précisément à ce qu’il est convenu d’appeler « l’esprit lettré ».

C’est donc également à la prise de conscience de ce phénomène propre à la Chine mais au fond, universel puisqu’il s’apparente à une quête d’absolu, que conviera une autre salle de l’exposition. Plus didactique, illustrant surtout par des œuvres graphiques la naissance et le développement de ce phénomène, cette salle offrira en conclusion l’évocation d’un studio de lettré.

La plupart des pierres, objets de lettrés et mobilier proviennent de la collection personnelle du lettré chinois contemporain Zeng Xiaojun (né en 1954), sans la générosité duquel cette exposition n’aurait pu avoir lieu et qui nous offre  en outre  le privilège de découvrir les étonnantes peintures et créations plastiques dont il est l’auteur.

Peintures de rochers et de paysages inspirés par les pierres ponctueront donc cet ensemble où les oeuvres classiques côtoieront des peintures contemporaines témoins de la permanence de l’esprit lettré dans la Grande Chine d’aujourd’hui. Et, de même que la première partie de l’exposition permet de rencontrer l’esprit et les créations de Zeng Xiaojun, la dernière, consacrée au peintre chinois contemporain Liu Dan (né en 1953) nous invite à la découverte des nombreuses facettes d’une oeuvre monumentale. "

Pou finir, je ne peux donc que vous encourager à vous rendre à cette exposition du Musée Guimet, et je posterai un billet sur celle-ci dès que je l'aurai vue de mes yeux.

24 mars 2012

Le Raku ou l'unique céramique du Chanoyu

carte du japon

"Ichi Raku, ni Hagi, san Karatsu" ... cette vieille maxime exprime la "hiérarchie" des styles de céramiques préférés pour le Chanoyu, la cérémonie du thé : en premier le Raku, puis le Hagi et enfin le Karatsu ... elle pourrait aussi signifier autre chose : le seul type de céramique utilisable pour le Chanoyu est le Raku.

Le Raku est un style venant de la ville de Kyoto, dans la préfecture de Kyoto et la région du Kansai sur l'île de Honshu.

Hors de toute considération esthétique, cette place du Raku peut aussi s'expliquer en grande partie pour des raisons historiques. En effet, il est dit que le style Raku Yaki est fondé vers 1580 par le potier Chojiro ( ? - 1590 ) sur la demande de Sen No Rikyu ( 1522 - 1591 ). Ce maître de thé a donc vécu la plus grande partie de sa vie sous les règnes des Shoguns Oda Nobunaga ( 1534 - 1582 ) et Toyotomi Hideyoshi ( 1536 - 1592 ), c'est-à-dire à l'époque Sengoku-Jidai, ce qui signifie "Ère des provinces en guerre". Le pays est alors très morcelé, et en proie à d'incessants combats, qui ne se limitent pas aux guerres entre seigneurs locaux pour la conquête du pouvoir, mais qui voit aussi la formation de "communes paysannes" indépendantes et l'affirmation du pouvoir militaire de différentes factions religieuses, chacune à la tête d'armées de moines-soldats. Bref, c'est une période de guerre intensive, où l'ennemi peut être partout, ce qui ne facilite pas les déplacements de personnes et de marchandises. Quant on sait que le Japon a longtemps été organisé en fiefs sous la domination de Daimyo et que chacun de ces seigneurs règnait en seul maître sur son domaine avec littérallement droit de vie et de mort sur chacun de ses sujet qui devaient obtenir une permission pour commercer et aussi pour voyager vers une autre province, il est aisé de comprendre que la période n'est pas vraiment propice pour le développement du commerce ...

Cette période se traduit enfin par la conquête réalisée par Oda Nobunaga puis par Toyotomi Hideyoshi et par l'affirmation de leur puissance sur une part majeure des îles du Japon, tout cela par le sabre.

période momoyama

Dès lors, alors que le commerce ne peut se faire que très localement, il est certain que ce sont les céramiques produites localement qui se verront plutôt nécessairement préférées. De plus, si le style du Raku-Yaki a effectivement été créé sur la demande de Sen No Rikyu, il est aussi compréhensible que ce dernier, maître de thé de Toyotomi Hideyoshi, ait mis ce style en avant dans le Chanoyu.

Cette introduction dans les sphères proches du pouvoir vaut par ailleurs à Jokei, fils de Chojiro, de recevoir de Toyotomi Hideyoshi son nom : Raku. Il se fonde ainsi une dynastie de potier, qui existe encore de nos jours et un musée leur est d'ailleurs même dédié à Kyoto.

Mais le Raku possède aussi d'autres avantages, notamment du point de vue de la production. Ainsi, la cuisson se fait dans de petits fours, à une température entre 750° Celsius et 1250° Celsius, ce qui signifie que la cuisson est moins onéreuse que pour les grands fours très consommateurs de combustible et que les pertes éventuelles sur une cuisson sont éventuellement plus limitées en cas de défaut de chauffe. La cuisson se fait ainsi dans des fours de petite taille ( Uchigama ) en comparaison des grands fours de flanc de colline, ou "fours grimpants", utilisés auparavant. Il s'en suit aussi une facilité à se rapprocher de la ville en comparaison des grands fours ( Ogama, Anagama, Renboshiki-Gama, Noborigama et Ja-Gama dits "fours dragons" ), consommateurs d'espace, produisant de hautes températures ( 1400° Celsius en moyenne ) et expulsant dans l'air de nombreuses cendres et composés très volatils.

Le montage se fait traditionnellement à la main ( Tebineri ) et sans tour de potier. Il existe aujourd'hui de multiple couleurs dans le style Raku, mais il y en a deux qui prédominent depuis le commencement : le Raku noir ( Kuro-Raku ) et le Raku rouge ( Aka-Raku ). Une autre couleur désormais plus fréquente est le blanc ( Shiro-Raku ) ainsi que diverses autres que l'on retrouve plus marginalement : le vert, le jaune et le brun.

Le Raku noir :

kintsugi

La couleur noire est produite de façon particulière. La glaçure serait historiquement faite à partir de poudre des pierres de la rivière Shimogawa qui coule à Kyoto. Mais c'est le traitement que subi la pièce qui lui donne sa couleur noire : après une cuisson individuelle ou en petites quantités à une température comprise entre 1000° Celsius et 1250° Celsius, le potier sort rapidement la pièce du four à l'aide de pinces pour la plonger dans de l'eau. La pièce subit ainsi un brutal refroidissement du fait de cette immersion qui la fait passer d'environ 1000° Celsius à une température ambiante et qui engendre cette couleur particulière.

Naturellement, le choc brutal de température entraine des pertes, la pièce se fendant en morceaux du fait de ce traitement. Cela explique aussi que les Raku noirs sont les plus chers et les plus prisés par les collectionneurs.

chawan

Le Raku rouge :

chawan

La couleur rouge est plus "simple" à obtenir. Une couche d'engobe est posée sur la pièce, suivie d'une cuisson à 850° Celsius, c'est-à-dire à basse température.

chawan

Certains Raku ne sont pas entièrement couverts de glaçure, comme on peut le voir sur les quatre images ci-dessus, mais on trouve aussi des chawan en Raku entièrement couverts de glaçure dans les fabrications plus anciennes.

raku

raku yaki

Le Raku est enfin apprécié du fait de ses propriétés pour garder la chaleur et les Raku sont en effet assez conducteurs. Cela doit être dû au fait que ce sont des céramiques à pâte tendre. Par contre, ce dernier point est également un point faible de ce type de céramique, car cette pâte tendre et cette cuisson basse fait que la glaçure adhère de façon moindre au corps que ne le fait la glaçure d'un grès. Il arrive ainsi que des parties de glaçure peuvent se détacher, parfois facilement, et que ce problème est courant sur les Chawan en Raku anciens. Ce problème touche cependant plus les Raku rouges que les Raku noirs, et ce phénomène se produit surtout sur les bords supérieurs du Chawan.

28 février 2012

La Chambre de Thé ou Chashitsu

zen

Voici un schéma simplifié d'une chambre de thé de type Yojohan ( 4 tatamis et demi ), réalisé à partir de schémas partiels, de livres du XIXème siècle ( incroyablement plus complets et simples que ceux que l'on peut trouver actuellement sur le sujet, tel Japanese homes and their surroundings par Edward S. Morse, qui date de 1885 ) et de nombreuses photographies.
Chambre de thé ou pavillon de thé

Il y a tout d'abord deux pièces aux fonctions séparées qui forment le pavillon de thé : la chambre de thé proprement dite et le Mizuya, qui sert à ranger, à laver et à préparer les ustensiles destinés à la cérémonie du thé.

L'organisation dans la chambre de thé est ensuite la suivante :

A : l'hôte menant la cérémonie ( Teishu )
B : l'invité le plus important ( appelé Shokyaku ), sur un tatami à part
C : le second invité le plus important ( appelé Jikyaku )
D et E : les autres invités sur le tatami des invités suivant leur ordre d'importance ( tous appelés Kyaku )
F : l'invité le moins important sur le tatami de l'entrée ( appelé Tsume )

Cinq personnes au plus participent comme invités à la cérémonie, et chacun s'installe donc suivant son rang, indiqué par le maître de cérémonie. En outre, chacun rentre par une porte qui lui est propre : l'hôte entre par le Sadouguchi, porte de taille normale, et prend place sur un tatami où il est le seul à sièger, appelé Temaeza. Les invités entrent par une entrée de petite taille ( Nijiriguchi ) les obligeant à se baisser, à entrer et à se déplacer dans le chashitsu accroupis.

Enfin, l'organisation formelle ne s'arrête pas aux personnes et au lieu, et les ustensiles de la cérémonie eux-mêmes ont leur place propre :

1 : Mizusashi ( pot à eau froide )
2 : Chaire ou Natsume ( contenant le thé en poudre ) avec chashaku posée dessus
3 : Chasen ( fouet à thé )
4 : Chawan ( bol à thé )
5 : Futaoki ( ustensile pour poser le couvercle du Kama, appelé Futa, ou la louche en bambou faite pour puiser l'eau chaude, appelée Hishaku )
6 : le Ro ( foyer enterré ) sur lequel on place le Kama ( bouilloire ) aussi appelé Chanoyugama
7 : Kensui ( pot à eaux usées ou pot poubelle )

Chashitsu

22 février 2012

Le style de Bizen

bizen yaki

Bizen se situe dans la région de Chugoku, préfecture de Okayama, et le principal centre de production de la céramique de style Bizen se trouve dans la bourgade proche, Inbe. S'il y a bien un style de céramique japonaise qui, à mes yeux, incarne formellement l'esprit du Wabi-sabi, c'est bien celui de Bizen. Ici, la "couverte accidentelle" règne en maître, le rêche, l'âpre, l'aspect brut du grès dominent sans partage.

La cuisson traditionnelle se fait aux alentours de 1250 ° Celsius. Elle se fait avec du bois de pin et dure de 10 à 15 jours, toujours pour les fours traditionnels, temps pendant lequel il faut bien sûr alimenter manuellement le four et qui entraine une grosse consommation de bois.

Comme toujours, tout paraît simple dans le grès japonais, mais rien ne l'est en vérité, et il y a plusieurs genres dans le style Bizen, et parfois plusieurs genres s'expriment sur une même pièce ...

Tout d'abord, il y a le Hidasuki :

hidasuki

bizen

Le hidasuki ou "corde de feu" est certainement le genre le plus récent, puisqu'il nécessite une cuisson en four à gaz pour conserver cet aspect clair. L'objet est d'abord entouré de cordes de paille de riz puis mis à cuir dans un four moderne, ce qui cuit l'argile sans permettre aux retombées de cendre de la marquer. Les cordes, elles, brûlent et créent une couverte aux endroits où elles passaient.

Il y a ensuite le Botamochi :

botamochi

Il s'agit plus d'une technique que d'un genre à proprement parler : un "dessin" est créé en posant un morceau ou des morceaux de céramique réfractaire sur ou à proximité d'une pièce de plus grande taille lors de la cuisson, ce qui empêche les retombées de cendres à ces endroits. On place également parfois des pièces céramiques sur d'autres pièces plus grandes ce qui va créer d'autres types de variations de couleurs, genre que l'on nomme alors Fuseyaki. Le genre Goma, en particulier, se retrouve également sur les pièces du genre Botomachi, bien que dans la photographie ci-dessus, nous ayons un Botomachi sur un Sangiri partiel suite à enterrement d'une partie de la pièce dans la cendre.

Le Goma est lui le résultat de retombées de cendres de bois de pin, créant une couverte relativement épaisse par endroits seulement :

chawan

bol a the bizen

goma

Il s'agit d'un genre relativement répandu, car très simple, cette couverte étant à l'origine une couverte accidentelle. Le résultat est une couverte, partielle ou non suivant la pièce, assez jaune tirant sur le brun avec parfois des points plus sombres, presque noirs, parfois semblables à des grains de sésame que l'on aurait projetés sur la partie de la pièce la plus exposée aux retombées de cendres. Parfois les retombées de cendres sont si nombreuses qu'elles produisent des effets de coulures et prennent le nom de "Tamadare". Suivant les effets et le mélange des diverses techniques exposées ici, on nomme aussi Kasegoma le type de couverte lorsque celle-ci se pare de tons dans la gamme des verts.

Le AoBizen ou "Bizen bleu" est un genre obtenu par la combinaison d'une cuisson en réduction ( cuisson pauvre en oxygène ) et d'une cuisson à proximité de la flamme ( ce qui va entrainer une atmosphère pauvre en oxygène et majoritairement saturée en dioxyde de carbone ). Inutile de dire que la maîtrise doit être grande et que la casse au sein du four doit être importante. Cela donne une couverte aux tons dominés par le gris, les nuances allant de gris très profonds avec des reflets bleus à des gris clairs relativement pâles.

bizen

Enfin, le genre Sangiri, en particulier comme ci-dessus, combine plusieurs effets dont le Aobizen, mais de façon plus complexe, car les pièces sont partiellement et imparfaitement recouvertes d'une épaisse couche de cendre lors de la cuisson, mais aussi par d'autres pièces cuites en même temps, ce qui crée des effets innombrables de couleurs dues aux différences de températures de cuisson ainsi obtenues et à la cuisson également ainsi obtenue de certaines parties seulement en réduction, ce qui donne des effets allant du noir aux effets de lignes irisées quasi invisibles données à l'argile cuite sans couverte de retombée.

sangiri

Bien conscient que tout cela est peut être abrupt au premier abord, je résumerai pour faciliter une éventuelle consultation :

- Hidasuki : des cordes de riz sont attachées autour de la pièce, par ailleurs protégée des retombées de cendres ( et donc produite avant tout dans des fours modernes avec une cuisson au gaz ou à l'électricité ). En brûlant, les cordes vont marquer la pièce de céramique.

- Goma : les retombées de cendres de pin créent une couverte où dominent des petits points semblables à des grains de sésame.

- Kasegoma : la couverte se forme de la même manière que pour le gomma mais donne des couleurs allant vers des tons verts plus ou moins profonds.

- Botomachi : une "tache" de couleur claire, c'est-à-dire plus claire que le reste de la couverte majoritaire de la pièce, est formée par l'application, pendant la durée de la cuisson, d'une pièce de terre réfractaire sur la partie qui sera plus claire à la fin de la cuisson.

- Fuseyaki : technique proche de la précédente, qui donnera donc généralement le même résultat, et qui consiste à poser une pièce plus petit sur une autre plus grande.

- Aobizen : effet d'une cuisson en réduction produisant toute une gamme de gris sur l'ensemble de la pièce.

- Sangiri : effet produit par la cuisson d'une partie seulement de la pièce en réduction du fait d'un enfouissement partiel de la pièce dans la cendre.

bol à thé japonais bizen

Ce dernier type est sans conteste le plus répandu avec le genre Goma et le genre Hidasuki. Les genres Botomachi et Fuseyaki quant à eux se rencontrent généralement que sur de grandes pièces comme les plats ou sur les Tokkuri. Mais de façon globale, les pièces présentent presque toujours le résultat d'un ou deux techniques, effet volontaire ou non. Le genre Hidasuki est relativement décrié par certains,  comme Robert Yellin, qui le range dans la catégorie de ce qu'il appelle le "plastic bizen" ou "Bizen de plastique", à savoir des pièces tournées et cuites en grande quantité dans des fours modernes fonctionnant au gaz de piètre qualité selon lui. Il est vrai que 99% des pièces de type Hidasuki sont très généralement exécutées à la chaine, sans recherche particulière de modelage, de création ou d'effet artistique et sont surtout destinées à une consommation "courante" de particuliers ou  de restaurants recherchant surtout un moindre coût. Pour ma part, si toutes les pièces céramiques n'ont pas la même qualité d'exécution et la même valeur artistique, je trouve que ces pièces ne doivent pas forcément être rejetées car elles ont leurs qualités propres. De plus, le genre Hidasuki peut être vu comme une réponse aux  contingences modernes et comme une preuve de la vivacité du style de Bizen, qui perdure depuis le 12ème siècle. On notera enfin qu'avec les moyens de cuisson modernes, le Goma, le Sangiri et l'Aobizen peuvent être obtenus de façon tout à fait artificielle et ne sont plus "réservés" aux cuissons au bois.